Suhaël – « Ma plus grande fierté ? Avoir été capable de refaire ma vie deux fois ! »

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Lorsque Suhaël arrive à Paris, ce matin du mois de novembre 2019, il n’a qu’une seule idée en tête : aller voir la Tour Eiffel ! L’évocation de ces souvenirs illumine encore son visage. Trois ans après, il parle de sa fascination pour les rues de Paris, ces personnes habillées de manière contemporaine au milieu de tous ces bâtiments d’un autre âge. La Bastille, le Louvre, ces lieux dont il avait entendu parler dans ses cours d’histoire en Afghanistan, il les avait sous ses yeux. « Je n’oublierai jamais ! » Et puis, il y a ce rire lorsqu’il évoque le SMS de son opérateur téléphonique, reçu le même jour : « Bienvenue en France ! »

Pour la suite, c’est une autre histoire. Son regard se voile. Un long silence s’ensuit avant d’enchaîner sur la description des conditions de vie sordides qu’il connait ensuite. Des semaines sous la tente, à La porte de La Chapelle. Ces bus qui toutes les semaines emmenaient des réfugiés pour des hébergements temporaires, mais qu’il a ratés, faute de bonnes informations. Son premier hébergement, il le doit à une association qui sélectionnait toutes les semaines, sur la Place du Châtelet, des réfugiés par tirage au sort. Il lui a fallu 3 semaines de tentatives pour passer une nuit à l’abri !

A commencé aussi le long parcours du combattant pour la demande d’asile. Mais Suhaël a eu de la chance : le COVID est arrivé, les frontières se sont fermées. La France n’a pas pu le renvoyer en Suède où il avait passé 3 ans, comme le veut la procédure dite de Dublin. Ayant mis les pieds en Suède pour la première fois en arrivant en Europe, après sa fuite d’Afghanistan, il n’avait, en principe, pas le droit de faire une demande d’asile dans un autre pays avant plusieurs mois. Exceptionnellement donc, et après une procédure de seize mois en France, Suhaël obtient la protection subsidiaire.

Seize mois sans pouvoir travailler car la loi française ne permet pas aux demandeurs d’asile d’occuper un emploi. « Ma priorité alors, c’était ma santé et le français ». En 6 mois, il passe du niveau débutant au niveau intermédiaire. Il le doit à des cours intensifs : 3 jours par semaine dans une école spécialisée du dispositif d’insertion pour réfugiés, plus 2 autres jours de cours par semaine qu’il suit à sa propre initiative au sein de l’association Balzac. « J’avais du temps, j’en ai profité ! Je me suis fait un petit carnet de 400 mots-clés pour me débrouiller. » Il contacte également d’autres associations pour pratiquer du sport : Kabubu pour pratiquer le football ; Reborn avec qui durant l’été 2021, il part 18 jours pour faire une virée de 1000 km en vélo avec 35 autres réfugiés afghans, soudanais, maliens dans le sud de la France. « J’ai monté le col du Tourmalet ! »

Comme il avait enfin obtenu l’asile en France, le directeur de l’association Reborn lui recommande alors de rencontrer l’équipe de Tandem. Suhaël a reçu un permis de séjour et le droit de travailler ! C’est avec Jean-François qu’il fait un tandem depuis un an. Ces deux-là ont développé une complicité qui n’a d’égal que leur investissement pour trouver des solutions pour Suhaël.

Car Suhaël a une ambition : monter et gérer en France sa propre boutique. Son goût pour le commerce, il le doit à son expérience en Afghanistan dans le commerce de son père. Pendant que ce dernier était en tournée chez ses fournisseurs en Iran, au Pakistan ou en Chine, il assurait la gestion de la boutique. Le commerce, il l’a « dans le sang ! »

Avec le conseil de Jean-François, il entre en formation rémunérée pour travailler dans les boutiques Naturalia. Il est heureux mais ne s’arrête pas là. Il poursuit aujourd’hui sa formation par un CAP en apprentissage. Sa rémunération devient alors plus confortable, et il reçoit les bulletins de salaires indispensables pour trouver un logement.

Actuellement Suhaël est logé temporairement, et il rêve d’être enfin chez lui. Avec Jean-François, il travaille à faire aboutir le projet de logement pérenne.

Suhaël s’est donné 3 objectifs en 2022 : lire les 20 livres de développement personnel qu’il a sélectionnés sur Internet, se tenir en forme et maîtriser la langue française. Il est très reconnaissant à Jean-François qui le conseille à Tandem et l’aide dans ses démarches.

« Ma plus grande fierté ? Avoir été capable de refaire ma vie deux fois ! » Il l’a fait une première fois lorsqu’il s’est réfugié en Suède. Arrivé en France, il a dû tout reprendre à zéro. Il aura mis plus de quatre ans pour atteindre le pays qui lui donnera une protection : la France. A Tandem, nous savons bien que Suhaël se construira la vie qu’il souhaite. Sa persévérance n’a d’égal que son énergie positive et sa bonne humeur !

Nadine Lawson

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