Une drôle de question
N’est-ce pas un sujet déplacé quand on pense à la mission de Tandem et aux difficultés des réfugiés ?
Bien sûr, l’association Tandem Réfugiés n’a pas été créée pour les bénévoles. Il s’agit bien d’accueillir et d’accompagner des personnes qui doivent faire leur vie en France et qui ignorent tout de l’administratif, de la recherche d’emploi et des moyens d’avoir un toit sur la tête. Sans oublier que beaucoup ne parlent encore qu’un français hésitant et que certains sont complètement analphabètes : autant de défis à surmonter !
Les personnes qui ont choisi d’accompagner les réfugiés sont bénévoles. Et qui dit bénévolat, dit absence de salaire. Certains accompagnateurs sont fidèles depuis des années, depuis la création de l’association en 2016 quelquefois.
Ces bénévoles forment des « tandems » avec les personnes réfugiées. Ils créent une relation de confiance avec elles pour leur permettre de trouver leur place dans la société française. Au bout de 2 ans, l’accompagné a un emploi ou une formation, ses enfants sont à l’école, il a un médecin traitant et un logement. Cette trajectoire demande un engagement de la part du bénévole accompagnateur qui bénéficie du soutien d’une équipe et d’une formation.
Qu’est-ce qui motive les bénévoles ?
L’expérience transforme les raisons de l’engagement, car la vie de bénévole apporte maturité et découvertes. Les idées préconçues disparaissent. Le ressenti s’enrichit considérablement.
« Cela m’a transformée »
Les bénévoles viennent pour découvrir la diversité du monde et être en prise avec sa réalité. « J’ai accompagné des personnes venues de tous les continents, de toutes religions » raconte une accompagnatrice. Une autre explique qu’« (elle) n’avait pas de regard sur cette question. Je suis française, j’ai beaucoup travaillé, mon quartier d’habitation n’est pas celui des migrants. Avec cette mission, j’ai découvert un univers, et cela m’a transformée ».
« La joie de voir le futur de familles entières se construire »
C’est aussi le plaisir d’aider une personne en difficulté qui motive les bénévoles à rejoindre Tandem. « J’ai voulu partager, je veux rendre un peu de ce que j’ai reçu. Soutenir les réfugiés me donne un sentiment d’utilité et de participation à l’évolution positive du monde » partage une accompagnatrice. Une autre renchérit en mettant l’accent sur le plaisir d’accompagner des trajectoires positives : « J’ai la joie de voir le futur de familles entières se construire ». En effet, les réfugiés ayant une protection ont des droits en France, et « ils ont déjà réussi beaucoup en accédant à cette protection. La plupart ont l’énergie pour gravir des montagnes », reprend-elle. Mais il manque un accompagnement pour comprendre comment trouver son chemin dans une société complexe. « Quand la personne accompagnée trouve un logement, un emploi, bref, une stabilité grâce au travail commun (NDLR : travail du tandem accompagnateur + accompagné), quand je vois une personne s’ouvrir, sourire, faire confiance, je suis récompensée ».
« Vivre la constance et la patience »
« J’ai appris de la culture des personnes rencontrées. J’aime être surprise. A Tandem, on ne choisit pas la personne que l’on va accompagner. J’ai créé des liens avec des personnes qui, il y a quelques années, m’auraient irritée. J’ai appris à renoncer aux jugements hâtifs ». Après quelques accompagnements, les bénévoles partagent l’apprentissage qu’ils ont fait de la juste distance et de la gratuité. Se tenir assez loin pour se voir, assez près pour s’entendre. Cet apprentissage est un enseignement pour la vie ordinaire. « Moins je suis en attente de résultats ou de reconnaissance, plus libre est la relation. L’exercice de la juste distance m’aide à vivre la constance et la patience nécessaires à l’accompagnement. J’apprends à m’adapter, à écouter le désir de l’autre, à rythmer mon pas sur le sien. Il faut se surveiller pour ne pas entrer dans une posture de pouvoir. Ce n’est pas toujours facile. Je m’humanise dans cet engagement ». Une autre bénévole ajoute : « On pourrait souhaiter une reconnaissance à vie mais j’ai appris à renoncer à être un « sauveur« . Les personnes que j’accompagne entrent et sortent de ma vie. Comme dans le train de Jean d’Ormesson* ».
S’exercer à l’écoute collective avec d’autres bénévoles
Chaque semaine, les bénévoles partagent sur l’évolution du tandem qu’ils forment avec la personne accompagnée, avec une équipe de 6 accompagnateurs et une salariée (sans les accompagnés). Les tandems sont tous différents parce qu’ils mettent en jeu 2 personnes uniques. « Des liens de confiance se créent dans l’équipe. Nous échangeons avec beaucoup de bienveillance. Nos conversations sont libres : nous ne sommes pas toujours d’accord ; l’humour n’est pas absent, et ça allège nos conversations, » nous dit un bénévole. Un autre confie : « Dans ma vie professionnelle, j’avais l’habitude de vivre avec des personnes qui me ressemblaient. Les membres de mon équipe ont d’autres cultures professionnelles que la mienne, ils ont développé d’autres sensibilités, d’autres façons de s’exprimer. Être ensemble m’apprend encore ».
Tous sont d’accord : pour bien assumer la mission bénévole d’accompagnateur, il faut être bien dans sa peau et avoir une vraie disponibilité mentale. Ainsi, l’accompagnateur trouve la posture qui permet à la personne accompagnée de trouver son propre chemin d’intégration, et lui de s’humaniser davantage.
Un grand merci à tous ceux qui ont accepté de partager les ressorts profonds de leur engagement !
Pour plus d’information sur la mission bénévole de l’accompagnateur, merci de s’adresser à Séverine Renaut : srenaut.tandem@gmail.com – 07 56 89 63 10.
* Le train de ma vie – poème de Jean d’Ormesson